La colère, cette énergie mal exploitée

Peinture japonaise représentant une vague

La colère est, selon Wikipédia, un état affectif violent et passager, résultant du sentiment d'une agression, d'un désagrément, d’une frustration, traduisant un vif mécontentement entraînant des manifestations physiques ou psychologiques par une personne. Ces manifestations peuvent être contrôlées.

C’est un des sept péchés capitaux et par là même, elle n’est pas tolérée par la société car étant trop brute, trop énergétique et qui génère du destructif.
Elle est donc, dès lors, pour beaucoup d’entre nous, intériorisée, somatisée, retournée contre nous-même et donc la cause de nombreux mal-êtres. Cela pouvant aller de l’eczéma, à l’AVC, en passant par le rhume des foins.

Puisqu’elle n’est pas admise dans la société, des dérivatifs ont été mis sur pied par elle, afin de permettre de l’exprimer malgré tout, mais seulement suivant des règles strictes. Par exemple, en créant des concours, mettant le gagnant sur un piédestal et puis Vae Victis pour les autres, ce qui génère encore plus de frustrations et donc de colères. Pour moi, les concours sont des usines à perdants : Il n’y a qu’un seul gagnant, les autres sont des perdants. Et comme on ne peut pas être le meilleur partout, les concours ne génèrent que des perdants. De plus, ce qui est insidieux, c’est qu’on retourne contre toi le fait de ne pas avoir gagné : « Si tu n’es pas le meilleur, c’est que tu ne t’es pas assez entraîné ». Regard culpabilisant, broyeur de potentialités. Situation similère aux pourvoyeurs de rêves (américains?) qui gardent ses participants, la tête à peine hors de l’eau, dans la quête d’une excellence souvent destructive. Combien de joueurs de tennis, de top managers… n’ont-ils pas été broyés de cette manière ? Pour moi, à une course à pieds, le dernier arrivé, qui a battu son record personnel, a bien plus de mérite que le premier qui est arrivé sans effort. Ces participants à ce grand concours organisé par cette société malade sont obnubilés par la performance et cette injonction de toujours devoir en faire plus et donc de croire de ne jamais en faire assez. Gagnant des clopinettes qu’on appelle argent qui est tout aussi rapidement dépensé, n’en n’ayant jamais assez. Jusqu’à s’en boussiller la santé. Burn-out.
Nous sommes aussi placés en concurrence afin de permettre aux meilleurs d’émerger et balayer les autres car n’entrant pas dans le moule, ces « SDFs qui ne foutent rien et sont les rebus de l’humanité ».
Et pour ceux qui ont tiré la floche, gagné leurs rares places au soleil, on leur propose des challenges afin de les garder « focus » et ne surtout pas leur permettre de penser par eux-mêmes. Leur permettant d’accéder à des expériences aussi superficielles qu’éphémères. Et ceux pour qui cette situation ne leur convient pas, on leur rétorque : « De quoi te plains-tu ? Regarde ailleurs et tu verras qu’il y en a d’autres bien plus mal lotis que toi, sois donc content avec la vie que tu mènes ». In fine, d’un côté comme de l’autre, que de vies gâchées.

La colère, ça peut aussi être ça. Cette constatation qu’une injustice est organisée à l’encontre de la majorité de la population. Injustice qui suscite des réactions. Réactions qui, une fois organisées en manifestations, sont vivement et rapidement cadenassées, vilipendées, mises au pilori. Et, à l’instar de ces gilets jaunes, plongées dans l’oubli.

Aussi loin que je m’en souvienne, j’ai toujours cru que la colère était intrinsèque à l’espèce humaine. Le fameux « Struggle for life », « Manger ou être mangé »… Et qu’elle était transmise de génération en génération afin de perpétuer sa survie. Comme l’exprime si bien ce court métrage d’un père et de sons fils « Un homme, un vrai ». Cette pression, cette exigence parentale basée sur « Ce monde est brutal, tu dois te préparer à l’affronter ». Qu’est-ce que j’en ai bavé, pas vous ? Heureux de ne pas avoir trop transmis cela à mes enfants... J’espère. Car en exploitant un tant soit peu sa créativité, je suis convaincu que nous pourrions trouver d’autres moyens de s’organiser tous ensemble.

La colère est mauvaise conseillère, dit-on. C’est selon moi, seulement parce qu’elle est mal exploitée. Mal transmutée. Car c’est là la clé. Sa transmutation. La colère est vecteur d’une énergie qui peut être utilisée pour détruire ce qui devrait disparaître ou construire ce qui pourrait apporter du changement. Selon moi, on ne construit rien en combattant. Et à voir comment ce qui est en place et doit être abattu, a comme capacité à se maintenir, avec tellement de violence, il me semble illusoire de vouloir y mettre de l’énergie à la combattre. Je vous invite, dans ce cadre-là à lire « Le livre du voyage » de Bernard Weber. Il y a là un passage sur cette façon d’exploiter cette énergie et de l’orienter, non pas à combattre la société, mais à en créer une nouvelle. Car voilà où je voulais en venir. Si vous expérimentez l’injustice, la frustration, qu’elle génère de la colère, pourquoi ne pas la transmuter en une énergie positive, constructive et la mettre au service des plus faibles et de ceux qui vous appellent à l’aide ? À l’instar de Simone Veil qui, ayant vécu dans les camps de concentration, a proposé son énergie issue de sa colère pour défendre les femmes, notamment au niveau de la légalisation de l’avortement.

Si elle n’est pas valorisée de façon positive, la colère est une punition qu’on s’inflige pour l’erreur d’autrui.

Je décèle de plus en plus de colère autour de moi, dans les médias... Faisons en sorte que l’énergie qui en découle soit utilisée à la création d’un monde nouveau, un monde meilleur.